13 Octobre 2016

Les subtilités de la communication au Japon

Pays et régions

Des anecdotes qui en disent long sur le oui et le non au Japon, le "body language", l'importance de la face et du respect, l'attitude à adopter devant les difficultés,...

Les subtilités de la communication au Japon

Le deuxième prix du Jeu interculturel de l'été a été attribué à Philippe Deneuville qui décrit les difficultés de communication qu'on peut rencontrer au Japon si on n'est pas averti. Ces anecdotes très instructives révèlent un état d'esprit particulier qu'il faut intégrer si on veut comprendre les Japonais.

La méthode de communication japonaise

Pour décrypter la méthode de communication japonaise, je décidai de m’initier avec mon beau-frère, professeur d’anglais à Tokyo. Je lui exposai mon point de vue sur un sujet, le plus absurde possible, et lui demandai son avis... Je vis ses yeux regarder quelques secondes le plafond, puis il me fixa et déclara : « c’est un point de vue tout à fait original ». Je compris alors qu’il fallait traduire par « tu es le premier à me sortir une telle idiotie. »

Moralité :  70% de la communication avec un Japonais du Japon ayant peu ou pas voyagé passe par le body language, 30% par la voix dont  7% au plus par les mots. Par conséquent, je ne devais pas rester bloqué par l’absence de mots japonais pour communiquer...

Un « oui » japonais peut avoir plusieurs significations…

Un jeune et beau célibataire français, ingénieur polytechnicien, bien de sa personne, rencontre une jolie Japonaise à Tokyo qui lui dit combien elle aime la culture française et sa cuisine en particulier. Le jeune Français vérifie que la Japonaise en a effectivement une bonne connaissance et lui propose alors d’aller dans un restaurant français à Tokyo. Folle de joie, la Japonaise se montre très intéressée et prend son agenda. Il lui propose le prochain samedi soir. Pas possible. Le mois suivant ? Pas possible non plus, elle est en période d’examen… Quand alors ? La réponse tombe : dans 8 mois !

Moralité : certains Japonais veulent vous faire plaisir en vous faisant des compliments, mais leur « oui oui » signifie d’abord une bonne réception de ce que vous dites sans aucune acceptation du fond… Une multitude d’autres signaux, comme la longueur d’un silence, peuvent montrer un véritable intérêt plus qu’une réponse immédiate.

Le respect au Japon

A une réunion d’équipe de notre société à Tokyo, le vice-président me demande en japonais, à mon retour de mission à Paris et devant les quarante personnes du bureau, si je suis content de mon « coup », faisant allusion à la mort de Lady Diana à Paris dont certains pensaient qu’il s’agissait d’un assassinat. Je ne suis pas au courant de l’évènement puisqu’il a eu lieu pendant mon vol Paris-Tokyo et je crois qu’il évoque les rencontres avec mes collègues parisiens. Quiproquo ! Je réponds, en japonais, que tout s’est très bien passé, que j’ai été discret en n’interférant pas avec mes appuis de Paris et qu’il aura un rapport détaillé. Le quiproquo dure un certain nombre d’échanges et c’est seulement à la sortie de réunion qu’un collaborateur me l’explique. À aucun moment, les Japonais n’ont présenté le moindre signe d’amusement et pourtant je venais d’avouer à mot couvert que j’étais bien le tueur !

Moralité : les Japonais ont reconnu mes efforts louables pour m’exprimer en japonais, effort qui méritait du respect, et ce respect chez eux fut plus fort que les rires que ce quiproquo aurait déclenchés en France si un Japonais s'était exprimé à ma place en français.

Ne pas perdre la face

En quittant le bureau, à Tokyo, mon collègue japonais avait l’habitude de marcher pendant quelques mètres avant d’appeler un taxi qui ensuite tournait à droite puis passait devant le bureau. Au bout d’une demi-douzaine de fois, je décidai de prendre la main et j’appelai un taxi en sortant du bâtiment pour éviter de marcher sous la chaleur accablante... Quand je lui indiquai la direction, le chauffeur s’excusa qu’il fût trop haut dans le boulevard pour se rabattre, couper la file et tourner à droite et qu’il devait faire le tour du pâté de maison. Je compris alors pourquoi mon collègue japonais prenait le taxi plus bas sur le boulevard...

Moralité : ni lui, ni moi ne commentèrent jamais cet impair ; je ne perdis pas la face et compris que je ne devais jamais la faire perdre à un collègue japonais.

L'attitude à adopter devant les difficultés

A Tokyo, chez un opérateur de téléphonie américain dont les employés sont japonais, nous avions beaucoup de mal à nous faire comprendre de nos collègues américains de Virginie, pour la plupart issus du Corps des Marines. J’ai donc recruté un Américain, un Marines d’Okinawa, marié à une Japonaise et parlant japonais. Les Américains étaient très satisfaits de ce recrutement, néanmoins j’ai dû le licencier à la demande des Japonais... En effet, pendant la construction d’une solution de télécommunication, il y eut un problème qui inquiéta un de nos clients. L’Américain prit alors l’attitude d’un commandant de bord pendant le naufrage d’un bateau : il chercha à rassurer son collègue japonais en lui disant que ce n’était pas grave, qu’il allait gérer la situation et qu’il pouvait se reposer sur lui. Il restait très calme, presque relax, avec une grande qualité d’écoute. Mais son collègue paniquait de plus en plus, en se demandant si l’Américain avait pris conscience de la gravité du problème. J’ai dû expliquer à l’Américain que son calme passait pour de la désinvolture, qu’il fallait considérer le problème du client comme la fin du monde et, en tout en restant calme, promettre d’appeler un vice-président.

Moralité : j’aurais dû être un manageur plus directif car un Marines ne se gère pas comme un ingénieur français. Il ne suffit pas de travailler dans un groupe international et de connaître les cultures en présence pour être en mesure de comprendre et d’accepter les différences culturelles.

 

Conseil de lecture : Paris-Tokyo : Allo la terre ?, Nadège Fougeras, Hachette, 2013

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